Dans certaines trames de mandat de protection future, sont proposés des textes « standards » d’expression de volontés particulières, par exemple sur les pratiques religieuses du mandant, sur son accompagnement médical etc.
Est-il nécessaire d’exprimer des volontés particulières ? et l’acte du mandat de protection future est-il le lieu approprié pour cela ?
L’article 12.4 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées prévoit que « les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique respectent les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée ».
Ce principe s’applique autant au mandat de protection future, qu’aux mesures de protection décidées par le juge des tutelles.
Il est intéressant d’observer comme ce principe de respect de la volonté et des préférences des personnes est transposé dans le cadre des mesures de protection décidées par le juge des tutelles.
Le cas particulier des donations faites par une personne sous protection offre un exemple très instructif en la matière.
En matière de donation faite par une personne sous protection, la Cour de cassation considère que le juge des tutelles peut autoriser son mandataire à le représenter pour faire une donation au nom de la personne protégée, même si elle n’est plus en mesure d’exprimer la moindre volonté. Mais, pour donner cette autorisation, le juge devra, par tout moyen, rechercher quelle aurait été la volonté de la personne si elle pouvait encore exprimer sa volonté (avis du 15 décembre 2021, pourvoi n°21-70.022).
Plus largement, dans la mise en œuvre de toute mesure de protection, la recherche de la volonté doit être au cœur de l’accompagnement de la personne.
Quand rien n’a été anticipé, rechercher la volonté peut s’avérer très difficile.
Prenons l’exemple de la vaccination, sujet qui s’est avéré très sensible au cours de la période de vaccination contre la covid 19 en 2021. Dans les EHPAD notamment, la question de la recherche de la volonté des personnes n’a pas toujours été simple. Les familles se sont parfois déchirées sur ce sujet, les tuteurs ont souvent refusé de se positionner, laissant les professionnels de santé relativement démunis. Evidemment, quand une personne hurlait à l’approche de la seringue, les professionnels de santé n’ont pas procédé à la vaccination. Mais dans de nombreux cas, il a été très difficile de savoir quoi faire.
D’autres sujets sensibles peuvent poser difficulté, particulièrement le choix du lieu de vie et le maintien des relations avec les proches, le second étant souvent dépendant du premier.
Un sujet très complexe se présente souvent dans les situations de pertes d’autonomie : l’hébergement d’un proche aidant au domicile de la personne. Cela peut être un enfant ou un concubin par exemple. Le maintien au domicile est souvent conditionné par l’hébergement de ce proche aidant, qui assure une surveillance 24h/24 de la personne.
Mais, que se passe-t-il si la personne doit partir en EHPAD ? La personne hébergée doit-elle quitter les lieux ? Ou au contraire, l’hébergement doit-il cesser ?
Quand rien n’a été anticipé, répondre à ces questions, et à bien d’autres, est un véritable casse-tête pour les personnes chargées de la protection.
Exprimer sa volonté en amont est donc essentiel, autant pour soi que pour faciliter le travail de ses aidants et protéger ses proches.
L’organisation de l’expression et de la preuve d’une volonté unilatérale n’est pas une nouveauté dans notre réglementation. Plusieurs exemples l’illustrent :
- Le testament
- La clause bénéficiaire d’une assurance vie
- Le refus du don d’organe
- La désignation anticipée d’un protecteur
- Les directives anticipées,
- Les volontés funéraires
La technique de l’expression unilatérale de la volonté dans un acte sous seing privé ou authentique, peut être élargie à d’autres domaines, dès lors que cela soutient la liberté, les droits fondamentaux et la dignité des personnes.
En matière de protection juridique des personnes vulnérables, l’expression des volontés pourrait être étendue à d’autres sujets que celui du choix de son protecteur, par exemple :
- ses volontés quant à son lieu de vie
- ses volontés pour la gestion de son patrimoine
- ses volontés en matière de transmission du patrimoine de son vivant
- ses volontés concernant son quotidien, ses habitudes de vie, ses relations avec ses proches
- ses volontés concernant la gestion de son budget
- ses volontés concernant sa santé, par exemple, si elle est pour ou contre la vaccination, sa volonté de conserver son médecin traitant même en cas de déménagement en EHPAD
Dès lors qu’une personne anticipe sa protection, soit par un acte unilatéral, soit par la signature d’un mandat de protection future, il paraît incontournable de l’amener à s’exprimer sur ses autres volontés. Comment mieux garantir que la mesure sera exercée dans le respect de la volonté et des préférences de la personne, conformément à l’article 12-4 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ?
Un mandat de protection future est un contrat impliquant un échange de consentement entre plusieurs personnes, dont le mandant. Ce dispositif n’est pas adapté à l’expression de volontés intimes et susceptibles de changement avec le temps.
C’est important de pouvoir exprimer, de manière strictement intime, dans un ou plusieurs actes unilatéraux distincts de l’acte de mandat de protection future, ses volontés de vie face à la vulnérabilité.
Souvent, les personnes n’ont pas envie d’aborder ces sujets avec leurs proches tant qu’elles vont bien et ne sont pas toujours déterminées sur certaines de leurs volontés au moment de la signature de leur mandat de protection future. En les obligeant à se positionner sur toutes leurs volontés dans leur mandat de protection future ou en annexe, elles risquent d’en reporter la signature, ce qui pourrait leur être très dommageable.
Lister toutes ses volontés de manière détaillée dans son mandat de protection future pose la question de leur potentielle évolution dans le temps. Faut-il modifier le mandat à chaque fois qu’une volonté va évoluer ? Cela ne paraît bien sûr pas la meilleure solution.
L’exemple particulier d’un chef d’entreprise illustre la difficulté à lister toutes les volontés dans le mandat de protection future. Le chef d’entreprise peut avoir de nombreuses informations à caractère confidentiel à mettre à la disposition de son mandataire, à terme. Mais il refusera de les indiquer dans un contrat de mandat : en cas d’activation du mandat, il devient document officiel, équivalent à un jugement de tutelle, à présenter à toute personne par le mandataire pour justifier de ses pouvoirs. Impossible d’inclure dans ce mandat des informations à caractère confidentiel concernant son entreprise, comme par exemple l’évaluation de l’entreprise pour sa revente potentielle.
En organisant un dispositif particulier pour l’expression de ses volontés de vie face à la vulnérabilité, cela permet à chacun de prendre le temps d’y réfléchir et de les faire évoluer si nécessaire au fil du temps, tout en conservant leur confidentialité tant que tout va bien.
Si la loi ne prévoit pas encore ce nouveau type d’acte unilatéral d’expression de la volonté, rien n’interdit à toute personne d’y recourir. Il constituera, a minima, si nécessaire, une preuve de sa volonté et de ses préférences, que tout protecteur doit impérativement rechercher « par tout moyen » pour exercer son mandat. La difficulté principale sera de faire en sorte que ses volontés soient portées à la connaissance de ses protecteurs futurs le moment venu.
Rien n’interdit non plus de prévoir contractuellement, dans le cadre d’un mandat de protection future, le recours à ces actes unilatéraux d’expression de volontés de vie face à la vulnérabilité et d’en garantir et organiser l’accès aux mandataires de protection future, en cas d’activation du mandat.
C’est le dispositif que nous avons mis en place, initialement à la demande de personnes âgées et de chefs d’entreprise, dans le cadre de notre programme d’accompagnement Alix.accompagne :
- nos trames de mandat prévoient la mise en place d’un coffre numérique contenant les volontés signées du mandant,
- après signature du mandat de protection future, le mandant peut librement et confidentiellement accéder à son coffre numérique pour exprimer et actualiser ses volontés et les signer par signature numérique avancée.
- en cas d’activation du mandat, Alix.accompagne donne accès aux volontés signées aux mandataires, et répond à toutes leur questions pour exercer au mieux leur mandat.
Accompagner une personne à rédiger son mandat de protection future, sans l’inciter à organiser l’expression de ses volontés de vie face à la vulnérabilité de manière adaptée, c’est prendre le risque que la mesure de protection ne s’exerce pas dans le respect de la volonté et des préférences de cette personne, en cas d’activation du mandat.
Pour respecter au mieux l’article 12-4 de la convention internationale sur le droit des personnes handicapées, les notaires rédigeant des mandats de protection future pourraient :
- informer ses clients de la possibilité de mettre en place un coffre de volontés de vie face à la vulnérabilité
- proposer d’intégrer une clause de coffre de volontés dans le mandat de protection future.
Vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le mandat de protection future ?
Inscrivez vous à l’une de nos formations ou suivez nous sur LinkedIn !
Nos responsables partenariat sont là pour vous accompagner :
Joy REPOS l j.repos@droitsquotidiens.fr l 04 12 39 23 92
Mikaël STEPHAN l m.stephan@droitsquotidiens.fr l 04 12 39 23 98
A très bientôt !
L’équipe de Droits Quotidiens Legal Tech